UNE PREMIÈRE APPROCHE

DU CONCEPT D'INTÉGRATION

1. Pensée

En général, la pensée humaine peut être décrite comme un processus consistant à formuler des conclusions à partir de données d'observation. Dans ce processus, deux directions de traitement de données peuvent intervenir: l’induction et la déduction.

L'induction produit de nouvelles hypothèses, "des lois", c'est-à-dire : les explications des processus qui 'dirigent' les faits observables.

Utilisant ces hypothèses, deux sortes de déductions peuvent être effectuées : (1) des reconstructions imaginatives de parties de réalité, qui ne sont pas (encore) observables (des suppositions et des prédictions); et (2) les élaborations de nouvelles applications, élargissant le domaine de la réalité (des créations).

Le fait que quelques prédictions soient 'prouvées' par des observations postérieures et que des créations 'fonctionnent' vraiment, nous donne une confirmation que les hypothèses sous-jacentes sont probablement 'vraies'. En fait, nous n'en sommes vraiment sûrs que tant que de meilleures hypothèses ne sont pas disponibles, car au cours de l'histoire de la science, presque toutes les théories ont du être re-formulées ou ajustées. Iil semble donc plus adéquat d'appeler une théorie "plausible" plutôt que "vraie".

 

2. Pensée scientifique

La science se décrit comme pensée exacte, une méthodologie pour étendre et contrôler par des 'algorithmes' la 'vérité' et la validité des conclusions de la pensée humaine (et aussi des machines: calculateurs, dispositifs de contrôle et ordinateurs).

Il est important de voir que jusqu'ici seul le processus de déduction est formalisé dans un algorithme pratique. Avec cet algorithme, une fois que nous avons des hypothèses exactes et des données exactes, nous pouvons produire des conclusions fiables. Mais l'induction, la production d'hypothèses, appartient toujours au royaume de l'intuition, c’est-à-dire: pensée subconsciente. Seuls les scientifiques et les penseurs "géniaux" effectuent la formulation de nouvelles hypothèses, qui semblent être vraies, en fonction du succès de leurs applications. Jusqu'ici, les machines sont incapables de produire de nouvelles hypothèses, d’être "créatrices". Leurs conclusions logiques ne sont fiables que tant que les hypothèses et les données que nous leur fournissons sont valable.

La recherche "d'une Logique d'induction", un analogon "à la Logique de déduction" qu’est la science, a commencé dès le XVIIe. siècle. A ce jour, cette quête n’a jamais vraiment été couronnée de succès, ni produit le moindre algorithme inductif utile. Par conséquent, même dans l'ère de l'informatique la découverte de nouvelles hypothèses reste toujours un travail intuitif, exécuté par quelques cerveaux humains illuminés. Cette frustration a même poussé des Prix Nobel comme Popper à déclarer que "il est par définition impossible de développer une logique d'induction, une logique de découverte". La quête infructueuse d'une logique de découverte est parvenue à son terme.

Mais depuis le développement de l'heuristique, c'est-à-dire la science de la découverte, de nouveaux espoirs se sont développés pour l'élaboration d'une méthodologie d'induction. En fait, pendant les récentes décennies, plusieurs stratégies ont été développées qui contribuent à l'élaboration de nouvelles hypothèses.

La méthode "d'intégration", décrite et illustrée dans cette étude, semble être une telle technique.

 

3. La fonction d'intégration

Qu’est 'l'intégration' ? À ce stade, elle peut être définie comme une méthode qui (1) facilite la production de nouvelles hypothèses aussi bien que de nouvelles créations, dans le même temps (2) offre une façon d'augmenter la probabilité que les nouvelles conclusions soient 'vraies' et (3) nous permet de formuler des théories scientifiquement valables dans des domaines d'application ou des mesures exactes ne sont pas (encore) facilement effectuées, comme la psychologie.

Nous divisons le processus d'induction en deux phases : (1) la formulation d'hypothèses expérimentales et (2) l'élaboration d'une hypothèse plus fiable à partir d’hypothèses expérimentales disponibles mais souvent conflictuelles.

Cette division n'a pas toujours été adoptée. Aux étapes précoces de la recherche d'une logique d'induction, on recherchait directement un algorithme d'induction "productif" fiable, et on laissait le contrôle de sa fiabilité au processus déductif, qui vérifiait les applications effectuées ou prédites par l'hypothèse analysée. Inspiré par l'analogie du processus de déduction, on cherchait une sorte de formule, ou des données d'observation pourraient être insérées, et qui devrait produire une hypothèse après quelques opérations logiques et/ou mathématiques. Cette quête n'a jamais abouti.

La nouveauté de notre approche consiste en l'introduction d’une phase intermédiaire entre la phase de production d'induction et son contrôle déductif. Nous appelons cette phase "l'intégration". Elle nous permettra d'élaborer une hypothèse nouvelle, plausible, à partir d'un certain nombre d’hypothèses moins fiables, moins exactes ou tout du moins incontrôlables (jusqu'à un certain degré). Le processus d'intégration non seulement produira une hypothèse ou théorie simple dans un domaine où plusieurs théories souvent contradictoires existent, mais offre en même temps un degré plus haut de fiabilité (de plausibilité) pour cette théorie produite, longtemps avant qu'elle puisse être contrôlée par la déduction. Et, paradoxalement, nous verrons que le processus d'intégration stimule la phase de production par du feedback.

On pourrait élever l’objection selon laquelle cette procédure ne résout pas le problème d'induction, parce que seulement une partie en est décrite, tandis que le moment essentiel, la production créatrice d'une nouvelle hypothèse, reste non révélée. Comme nous le verrons, cette objection n’est qu’en partie valide. La phase de production ne dispose d’aucun contrôle sur la plausibilité de son produit. Ce contrôle est effectué par le processus d'intégration. Et, de plus, le contrôle par l'intégration offre un bon stimulus pour la phase de production suivante. En fait. On doit considérer l'induction comme un processus cyclique consistant en deux sous-processus: production et intégration. Nous ne pouvons pas encore décrire le premier moment de production ou commence le cycle d'induction. Mais une fois entamé, nous pouvons exactement décrire le processus d'intégration et son influence sur le moment de production suivant.

La nouveauté de notre approche au processus d'induction consiste à ne plus rechercher une formule, un algorithme le décrivant, mais à considérer cela comme un processus consistant en deux processus intellectuels complètement différents: production et intégration, le second étant le plus important.

 

4. Note historique

Dans l'Antiquité et au Moyen âge, la science était plutôt intuitive. La justesse d'une théorie était garantie son acceptation générale ou par l'autorité du scientifique. C'était la grande contribution de la Renaissance au développement d’une une nouvelle méthodologie, connue comme la méthode "exacte" ou "positive", qui a permis aux scientifiques de contrôler et potentiellement de falsifier une théorie proposée et ses déductions. Bacon, Newton et Descartes ont formulé ces critères. La première performance grandiose, utilisant cette méthodologie, était la Physique du Newton. Les siècles suivants ont produit une somme impressionnante d'idées scientifiques physiques, chimiques et biologiques, qui ont mené à une explosion d'applications utiles (mais aussi souvent dangereuses) qui ont changé l'aspect de notre monde. Il était généralement admis que le progrès scientifique et technologique était le résultat de cette méthodologie. C'était l'espoir général, que le progrès d'autres sciences, par exemple les sciences psychosociales, devraient bientôt intervenir et ne dépendaient que du développement imminent d’outils de mesure "exacts".

Dans cette étude et conformément à quelques tendances de la philosophie de la science moderne, a été proposé une méthode scientifique alternative: la science intégrative. Cette méthode NE s'oppose PAS à la science exacte, mais offre un outil complémentaire pour explorer les domaines de connaissance humaine jusqu'ici non accessibles pour la science (exacte), sans abandonner la preuve scientifique.

En fait, les outils de la science intégrative ont été déjà utilisés par des scientifiques avant l'âge de la science exacte. Ainsi, la science "intégrative" n'est pas vraiment une découverte moderne, mais la redécouverte et l’opérationalisation d'une des facultés les plus anciennes et les plus fertiles de l'esprit humain.

La déduction est un processus relativement simple: il n’utilise que quelques opérations logiques et règles, décrites il y a des siècles par le syllogisme, par l'arithmétique et par la logique Booléenne. En outre il utilise une quantité limitée de matériel: quelques hypothèses et quelques données.

Mais le processus d'induction est tout à fait compliqué: il utilise de grandes quantités de données d'observation, un nombre apparemment illimité d'analogies, et le processus d'abstraction lui-même ne pouvait pas jusqu'ici être formulé sous la forme "d’algorithmes".

En conséquence, les règles et les outils de déduction ont été formulés relativement tôt dans l'histoire humaine: ils ont commencé chez les Grecs antiques et ont été achevés à la Renaissance. Les ordinateurs d'aujourd'hui offrent une application brillante et impressionnante d'algorithmes déductifs.

D’un autre côté, les règles d'induction sont toujours jusqu'ici principalement non révélées, même après des siècles passés à les rechercher, comme rappelé dans cette étude. Cela explique pourquoi l'induction est encore un processus intuitif, quelque chose se produisant spontanément dans notre esprit (ou au moins dans l'esprit de certains d'entre nous). Nous semblons être incapables de l'expliquer, ou de le provoquer volontairement.

De plus, pendant les siècles passés, le succès de la déduction et de ses applications était incontestable. Selon l’avis général, la pensée scientifique n'était autre que de la déduction. On était si impressionné et si préoccupé à prouver et à réfuter des hypothèses, qu'on laissait échapper ce moment exceptionnel et rare mais fondamental avec lequel tout commençait: la formulation d'une nouvelle hypothèse.

Néanmoins, pendant les XVII, XVIII et XIX siècles, il y avait une recherche ardente pour découvrir les secrets d'induction et le but était de construire une sorte d’analogue logique ou mathématique aux sciences déductives, consistant en un certain nombre de règles et de paradigmes, par lequel la production d'inductions, c'est-à-dire la formulation de nouvelles hypothèses, pourrait être aussi faciles que la production de déductions, et pourrait éventuellement être exécuté par des dispositifs de calcul.

La motivation pour découvrir l'algorithme d'induction était double:

(1) Un algorithme pour systématiquement produire de nouvelles hypothèses devrait délivrer le progrès scientifique des chaînes du hasard imprédictible.

(2) Un outil pour garantir l'exactitude des hypothèses développées devrait rendre le contrôle par les déductions empiriques subséquentes superflues, ou tout du moins pas aussi indispensables. Cela devrait économiser du temps et nous permettre de développer la compréhension scientifique dans des champs domaines où des "preuves déductives" ne sont pas (encore) possibles.

Malheureusement, cette recherche n'a jusqu'ici jamais connu le succès, au point que même la possibilité de jamais découvrir un tel outil a été mis en cause. Cette frustration a été réitérée avec l'informatique moderne: comparé même à l'ordinateur le plus performant, ce simple et inexact cerveau humain maintient sa supériorité, au moins pour ce qui est de formuler de manière créative des inductions et des hypothèses.

Les raisons de cet échec étaient multiples et seront analysées plus avant dans cette étude. Une explication est que l’on cherchait trop obstinément un analogue simple à la logique déductive.

Confronté au résultat de la recherche récente, la conclusion que le but de développer un tel outil est impraticable, semble de toute façon prématurée. Depuis le développement de réseaux heuristiques et neuraux, le but consistant à développer un outil scientifique inductif apparaît à nouveau accessible.

 

5. Une description concise du processus d'intégration

La technique d'intégration est basée sur la supposition que des intuitions 'exactes' sont cachées dans des intuitions partielles, conflictuelles, plus que nous ne le supposons traditionnellement – du fait de notre culture Cartésienne, dualiste. La technique d'intégration offre une méthode consistant à isoler ces intuitions utiles d'ingrédients superflus, inexacts.

Quand un homme pensant formule une hypothèse, il essaye d'expliquer pourquoi certaines choses se produisent. Il est, principalement à un niveau subconscient, frappé par la coïncidence répétitive d'au moins deux phénomènes: celui qu’il essaye d'expliquer, et un autre qui semble à plusieurs reprises arriver juste avant ou synchroniquement avec le phénomène qu’il essaye d'expliquer. Le plus probablement, ses première itérations seront fausses, ou du moins fortement inexactes. Non pas parce qu'il n'est pas assez intelligent, mais parce que son domaine d'observation est beaucoup trop compliqué: trop de facteurs sont actifs à la fois, et d’un autre côté, ses observations sont trop limitées: il n’observe qu’un ou que quelques cas d'une relation particulière. En prenant l'analogie d'un graphique, il ne voit qu’un ou que quelques points de la courbe, et sa supposition que ces points font partie d'une droite ou d’un autre rapport simple est trop simpliste. Sa formule ne fonctionne pas, particulièrement pas dans les domaines qui sont "projetés" à l'extérieur de son champs d'observation.

Jusqu'ici, les hypothèses ne pouvaient être contrôlées que par des applications: on fait une prédiction à partir de la nouvelle hypothèse, et on doit le plus souvent la rejeter, sans offrir de données supplémentaires. L'hypothèse n'est pas vraie, elle est fausse.

La méthode d'intégration s’efforce de raffiner la formulation avant qu'elle ne soit testée, et semble produire des hypothèses beaucoup plus plausibles.

La méthode d'intégration part d’une supposition non-cartésienne, qu'une hypothèse n’est pas complètement fausse. Elle contient presque toujours au moins une partie de la vérité, au moins quelques bons points de la courbe relationnelle. En fait, la probabilité qu'une hypothèse est au moins en partie vraie, est beaucoup plus haute que la conclusion simpliste aristotélicienne, cartésienne selon laquelle elle est fausse parce qu’elle n'est pas vraie. En effet, il est assez improbable que le formulateur de l'hypothèse était un complet oligophrène. L'intégration essaye d'extraire la partie exacte d'une hypothèse en utilisant d'autres sources d'information pour corriger l'hypothèse primaire : (1) hypothèses non correctes, formulées par d'autres dans des domaines d'observation différents; (2) autres parties de la structure théorique; (3) théories générales par exemple la théorie générale des systèmes. Pour utiliser notre terminologie proposée: une hypothèse est probablement vraie dans son noyau, mais contient une éduction, c'est-à-dire elle a fait des surgénéralisations en omettant de corriger des données. L'intégration est une procédure permettant de faire une rétroduction de ces surgénéralisations, utilisant des données correctives et recouvrant ainsi le noyau caché de la relation exacte.

Le produit de ce processus d'intégration, une hypothèse intégrée, a une plausibilité qui est au moins aussi haut que son composant le plus probable.

 

6. Les niveaux d'intégration

Il est important de considérer que le concept "d'intégration" peut être défini à plusieurs profondeurs.

a. Le niveau extérieur : une synthèse de théories

' Intégrer ' est défini comme "achever une chose imparfaite par le complément de parties" (Oxford Dict). La notion 'd'intégration' est plus généralement utilisée dans ce sens: un processus intellectuel par lequel plusieurs des théories complémentaires mais parfois contradictoires sont transformées en une théorie logique. Le but de l'intégration de théories psychologiques est: rassembler les éléments de valeur des nombreuses théories psychologiques, et créer à partir de ses constituants une théorie logique, unifiée, "intégratrice". Que le concept d'intégration soit plus utilisé dans le domaine de la psychologie que dans d'autres sciences est dû au fait qu'aucune autre science ne s'est autant divisé en autant de théories souvent contradictoires que la psychologie.

Mais cette signification 'd'intégration' n’est qu’une approche superficielle, le concept ayant deux autres significations plus profondes.

b. Le niveau intermédiaire : un façon de penser et de fonctionnement psychologique

On peut aussi considérer l'intégration comme une méthode de résolution de problème, et en fait comme la meilleure d’entre elles. Comme outil de résolution de problème, il se distingue de deux autres méthodes plus simples mais moins efficaces, à savoir "la sélection " (choix) et la "combinaison" (compromis). Les deux dernières méthodes sont plus populaires, supposant moins d'effort intellectuel, créatif.

Dans le processus de choix, on peut se limiter à la sélection d'une des possibilités présentées, confiant dans la supposition simple que dans les propositions disponibles, l’une d’entre elles devrait être la bonne, rendant toutes les autres mauvaises.

Lorsque la sélection n'est pas aisée, parce que (les partisans des) les propositions sont d'importance égale et ne peuvent pas être négligées, on peut essayer d'élaborer un compromis, c'est-à-dire une combinaison des aspects les plus importants des alternatives proposées - importants d'un point de vue objectif ou subjectif-. Le compromis est souvent présenté comme une méthode juste de prévenir les conflits. Mais comme méthode de résolution de problème il est moins efficace, parce que les aspects les plus apparents sont rarement les plus essentiels. D'un point de vue objectif, un compromis subjectif est obtenu aux dépens de la valeur objective de la décision, - comme nous le démontrerons plus avant.

L'intégration est une méthode de résolution de problème, qui tient compte de tous les aspects essentiels du problème et non seulement des plus apparents ou subjectivement plus importants. Cette procédure exige un travail intellectuel souvent intense, parce que les aspects essentiels doivent être discernés et leur combinaison subséquente exige une grande créativité. En outre, une attitude psychologique adéquate est nécessaire pour permettre les efforts intellectuels exigés. L'expérience nous apprend que ces conditions intellectuelles et psychologiques ne sont pas facilement réalisées chez des individus, ou des groupes.

Néanmoins, l'intégration reste l'idéal à atteindre, non seulement pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne, mais pour faire face à la vie en général. Comme il sera démontré, les psychoses aussi bien que les névroses peuvent être considérées comme des formes de non-intégration. En fait, elles peuvent être interprétées comme des choix bloquants et/ou des compromis coûteux. Le fonctionnement psychologique "sain" optimal peut être décrit comme une attitude intégrative de base envers la vie.

À ce point, il devient nécessaire d’opérer une distinction entre l'intégration factuelle et conceptuelle.

L'intégration factuelle est le processus et le résultat du processus, par lequel des éléments séparés, étant eux-mêmes d'un certain point de vue incomplets, coordonnent leurs activités ou propriétés, pour former un système aux propriétés plus riches: par exemple les membres s'intégrant au sein d’une splendide équipe, des scènes étant intégrées dans un beau film, des associés bien intégrés dans une relation de qualité. (Van Hasselt, 1977)

L'intégration conceptuelle est le processus, par lequel des systèmes conscients, par exemple des hommes, se préparent psychologiquement et intellectuellement à l'adaptation exigée par l'intégration factuelle, par exemple les membres d'une équipe intégrant leurs avis dans un plan d'action riche et logique, par lequel ils peuvent agir comme une équipe intégrée (factuellement), un thérapeute combinant des stratégies thérapeutiques efficaces d'écoles différentes en une thérapie plus effective.

Au cours de cette étude, 'intégration' signifie toujours 'l'intégration conceptuelle'.

On considère l'intégration conceptuelle comme la meilleure condition pour l'intégration factuelle. Bien sûr, l'intégration factuelle est parfois possible sans intégration conceptuelle: on peut considérer des systèmes solaires, des atomes, métazoaires, comme d’assez bonnes intégrations factuelles, sans processus d'intégration conceptuels préliminaires. Mais au niveau de systèmes intelligents, humains, l'intégration factuelle est plutôt exceptionnelle sans une certaine sorte d'intégration conceptuelle, bien que cela puisse être exécuté en partie ou entièrement à un niveau subconscient, "intuitif".

c. Le niveau intérieur : une méthode scientifique

À son niveau le plus profond, l'intégration est une méthode scientifique, nous permettant de développer des hypothèses plausibles dans les domaines de science où des "preuves exactes" ne sont pas encore disponibles. Elle nous permet aussi de produire des hypothèses plausibles à un rythme plus élevé que la science classique nous le permet aujourd'hui.

 

7. Conclusion

Le but de cette étude est de décrire au moins une procédure efficace d'induction, c'est-à-dire la technique d'intégration. De manière simplifiée, l'intégration est l'élaboration d'un arrangement plus profond, plus complet à partir de plusieurs théories analogues, mais apparemment irréconciliables. Comme rien d’essentiel n'est perdu pendant cette opération, la probabilité de la théorie intégrative doit être plus haute que la probabilité de son composant ayant la probabilité la plus haute.

Comme il sera bientôt démontré, l'application de la science intégrative aura quelques conséquences importantes sur la pratique scientifique actuelle.

Dans la science déductive, la probabilité que l'hypothèse sous-jacente soit "vraie" est augmentée en augmentant l'exactitude de la mesure, permettant ainsi au scientifique de rétrécir son domaine d'observation. De ce fait, les scientifiques modernes deviennent souvent hyper spécialisés dans un domaine, en sachant de plus en plus sur de moins en moins. D'autre part, la science inductive augmente la probabilité de son hypothèse en élargissant le domaine d'observation. La mesure exacte, en tant que preuve, est remplacée par l'applicabilité générale et la plausibilité, c'est-à-dire sa congruence logique au sein d’un cadre théorique plus large, intégratif. Cela mène à quelques conséquences importantes:

(1) Les publications scientifiques, lorsqu’elles utilisent la méthodologie d'intégration, doivent donner une vaste vue d'ensemble des phénomènes analogues et doivent se développer dans un modèle plus vaste, intégrateur.

(2) Les scientifiques intégrateurs ne peuvent plus être hyper spécialisés dans une application, mais doivent nécessairement être formés dans plusieurs domaines d'applications et engagés dans une pratique diversifiée.

Par cette méthode, des domaines de connaissance humaine où la mesure exacte n'est pas (encore) possible, deviennent accessibles à la science.

 

8. Remarque

Pour des personnes peu informées de l'histoire de la science ou des processus d'intelligence humaine, cette méthode scientifique proposée peut sembler révolutionnaire, et une tentative légère de remplacer une méthodologie traditionnelle qui a prouvé sa vertu depuis plusieurs siècles. Rien n'est moins vrai. La technique d'intégration est seulement un complément, une extension à la science exacte, déductive, pas un substitut. Ce n'est pas non plus nouveau: en fait la science intégrative augmente les facteurs qui stimulent le processus cérébral inconscient d'induction. Le fonctionnement spectaculaire de la science pendant les nombreux siècles où aucune méthodologie exacte n'était disponible peut être en grande partie expliqué par l'application intuitive des règles de la science intégrative.

Et finalement, n’oublions pas le fait que même la logique de déduction a été élaborée par des méthodes scientifiques inductives!


Ce texte de Kris Roose est paru en anglais sur le site www.noosphere.cc - Traduit par Eric de Rochefort