Religions, Valeurs, et Peak-Expériences

    Abraham H. Maslow

        Appendice I.   Un Exemple d'E-Analyse


 

    Toute femme peut-être vue du point de vue de l'éternité, dans sa capacité en tant que symbole, comme une déesse, une prêtresse, une sibylle, comme la terre-mère, comme les seins intarissables, comme l'utérus dont vient la vie, comme la donneuse de vie, la créatrice de vie. Ceci peut aussi être vu opérationnellement en termes des archétypes Jungiens qui peuvent être regagnés de plusieurs façons. Je suis parvenu à l'obtenir chez de bons introspecteurs simplement en leur demandant d'associer librement avec un symbole particulier. Bien entendu, la littérature psychanalytique fait état de nombreux exemples similaires. L'historique de pratiquement chaque cas profond définit des façons similaires de voir la femme aussi bien sous ses bons aspects que ses mauvais aspects (les Jungiens comme les Kleiniens reconnaissent la bonne mère et la mère-sorcière comme des archétypes basiques.) Une autre façon de parvenir à ceci est par le rêve artificiel qui est suggéré sous hypnose. Cela peut probablement être exploré par le dessin spontané, comme l'ont suggérait les art-thérapeutes. Encore une autre possibilité est la technique de Georges Klein de deux cartes se succédant rapidement afin que le symbolisme puisse être étudié. Toute personne qui a été psychanalysée peut assez facilement s'adonner à une telle pensée symbolique ou métaphorique dans ses rêves ou associations libres ou fantaisies ou rêveries. Il est alors possible de voir la femme du point de vue de son maître. Une autre façon de dire ceci est qu'elle est à voir sous ses aspects sacrés, plutôt que profanes, sous ses aspects saints ou pieux, ou du point de vue de l'éternité ou de l'infinité, du point de vue de la perfection, du point de vue du but ultime idéal, du point de vue de ce qu'en principe toute femme aurait pu devenir. Ceci s'accorde à la théorie d'auto-actualisation, que tout nouveau-né a en principe sa capacité de devenir parfait ou saint ou vertueux bien que nous sachions parfaitement qu'en fait la plupart d'entre eux n'y parviendront pas.

    D'un autre côté, la femme vue sous son aspect D, dans le monde des défauts, des soucis et des factures et des anxiétés et des guerres et des peurs et des douleurs est profane plutôt que sacrée, momentanée plutôt qu'éternelle, locale plutôt qu'infinie, etc.. Nous voyons aussi ici chez les femmes ce qui est également vrai: elle peuvent être des garces, égoïstes, tête-en-l'air, stupides, idiotes, vaches, triviales, ennuyeuses, aguicheuses. L'aspect D et l'aspect E sont également vrais.

    La question générale est: nous devons essayer de voir les deux, ou de mauvaises choses peuvent se produire psychologiquement. Par exemple, si la femme est vue seulement commune déesse, comme la madone, comme une beauté céleste, comme sur un piédestal, comme dans les nues ou au paradis, alors elle devient inaccessible à l'homme -- il ne peut jouer avec elle ou faire l'amour avec elle. Elle n'est pas assez terrestre ou charnelle. Dans les situations critiques ou cela se produit avec des hommes, c'est-à-dire ou ils identifient les femmes à la madone, ou à la mère, ils deviennent souvent sexuellement impuissants et deviennent incapables avoir des rapports sexuels avec une femme. Ceci n'est bon ni pour leur plaisir à eux ni pour leur plaisir à elles, particulièrement parce que le fait de considérer certaines femmes comme des madones conduira probablement à considérer d'autres femmes comme des prostituées. Est alors, l'ensemble du complexe madone-prostituée si familier aux cliniciens fera surface, dans lequel le rapport sexuel est impossible avec des femmes bonnes et nobles et parfaites, mais est possible seulement avec des femmes grossières ou mauvaises ou basses. Il est d'une certaine façon nécessaire de voir la femme-E, la merveilleuse et noble femme-déesse, et aussi la femme-D qui quelquefois transpire, et sent mauvais, et à des maux de ventre, et avec laquelle on peut aller au lit.

    D'un autre côté, nous disposons d'une somme considérable d'information clinique sur ce qui se produit lorsque les hommes ne peuvent voir les femmes que sous leur aspect D et sont incapables de les voir aussi sous leurs aspects beaux et nobles et vertueux et merveilleux. Ceci génère ce que Kirkendall a appelé dans son livre sur le sexe la relation d'exploitation. Elle peut devenir extrêmement déplaisante aussi bien pour les hommes que pour les femmes et peut les priver tous deux des véritablement grands plaisir de la vie. Cela peut certainement les priver de tous les plaisirs de l'amour, ce qui veut aussi dire tous les principaux plaisirs de l'amour physique (parce que les personnes qui ne peuvent aimer ne dérivent pas le même genre de plaisir des rapports sexuels que ceux qui peuvent aimer et qui peuvent devenir romantiques). Les hommes qui considèrent les femmes simplement comme des objets sexuels et qui les appellent par des noms purement sexuels dépersonnalisent ainsi la femme comme si elle n'était pas suffisamment une personne pour être considérée comme un être humain.

    Ceci est manifestement mauvais pour elles -- mais c'est aussi d'une façon plus subtile très mauvais pour lui dans la mesure où tout exploiteur est affecté par le fait d'être un exploiteur. La possibilité d'être amis par-delà de telles exploitations est pratiquement nulle, ce qui veut dire que les hommes et les femmes, les deux moitiés de l'espèce humaine sont coupées l'une de l'autre. Ils ne peuvent jamais goûter aux délices de fusionner l'un avec l'autre, d'être amicaux, affectueux, des partenaires amoureux et ainsi de suite. Pour résumer ceci, cela veut dire qu'il est horrible de voir la femme seulement d'une manière E, il est horrible de l'avoir seulement de manière D, et le but psychologiquement sain et de combiner les deux, ou de les alterner, ou de les fusionner d'une certaine façon. C'est cette fusion que je peux utiliser comme exemple du problème plus général de la fusion de la E-psychologie et de la D-psychologie, le sacré et le profane, l'éternel et le temporel, l'infini et le local, le parfait et le défaillant, et ainsi de suite.

    Voir l'homme d'une manière E veut aussi dire voir ses possibilités ultimes, idéales, dans le cas de Marion Millner, comme Dieu le père, comme tout-puissant, comme celui qui a créé le monde, et qui le régit et qui régit le monde des choses, le monde au-dehors, le monde de la nature, et qui le change et le maîtrise et le conquiert. À ce niveau profond, Millner, et probablement bien d'autres femmes identifieront l'homme noble, l'homme-E, et l'esprit de rationalité, d'esprit intelligence, de sondages et d'exploration, de mathématiques et similaires. Le mâle en tant qu'image de père est fort et capable, sans peur, propre, non trivial, non petit, un protecteur des faibles, des innocents, des enfants et des orphelins et des veuves, le chasseur et celui qui pourvoit la nourriture et ainsi de suite. Deuxièmement il peut être vu comme le maître et le conquérant de la nature, l'ingénieur, le charpentier, le constructeur, ce que la femme n'est habituellement pas. Il est bien probable que les femmes, lorsqu'elles sont d'humeur éternelle, ou ont une attitude E doivent voir les hommes de cette façon idéale même s'i elles ne peuvent par voir leur propre homme de cette façon. Le fait même qu'une femme soit insatisfaite de son propre homme est peut-être une indication qu'elle a à l'esprit une autre image ou représentation ou idéal, et qu'il n'est pas à la hauteur. Je pense que la recherche révélerait que cet idéal est comme celui cas décrit par Millner, et aussi comme il est vu dans les investigations directes des schizophrènes du genre de ceux conduites qu'a conduit John Rosen. Clairement, toute femme qui ne pourrait pas voir son homme (ou tout du moins certains hommes) comme cela ne pourrait avoir de considération pour les hommes, ne pourrait avoir de respect pour eux, pourrait avoir besoin d'un homme dans le monde D, mais au fond aurait pour lui du mépris car il ne serait pas à la hauteur du domaine E.

    (Je devrais mentionner que nous avons déjà une sorte de précurseur, un modèle de la femme E et de l'homme E dans l'attitude de l'enfant envers sa mère est envers son père. Ils peuvent être vus à travers ses yeux comme parfaits et divins etc. cette attitude peut être maintenue par tout enfant qui a la bonne fortune d'avoir une suffisamment bonne mère et un suffisamment bon père pour permettre que de telles attitudes se forment, c'est-à-dire pour lui donner certaines notions de ce que la femme idéalement bonne et l'homme idéalement bon pourraient être).

    L'homme D, dans le monde des trivialités, le monde de l'effort, etc. peut ne pas parvenir à induire l'attitude E chez sa femme, mais ceci semble être une nécessité si elle doit pouvoir pleinement aimer un homme. À ce niveau profond, il est nécessaire pour elle d'être capable d'adorer un homme, de le considérer comme elle a jadis considéré son père, de pouvoir s'appuyer sur lui, de pouvoir lui faire confiance, de pouvoir le considérer comme fiable, de pouvoir le percevoir comme suffisamment fort pour qu'elle puisse se sentir précieuse, délicate, et donc qu'elle puisse en confiance se lover sur ses genoux et le laisser prendre soin d'elle et des bébés, et du monde, et de tout ce qui existe en dehors du foyer. Il en est particulièrement ainsi lorsqu'elle est enceinte, ou lorsqu'elle élève des enfants jeunes ou en bas âge. C'est alors qu'elle a le plus besoin d'un homme près d'elle pour s'occuper d'elle, pour la protéger, pour faire l'intermédiaire entre elle est le monde, pour sortir et chasser le cerf et rapporter de la nourriture, pour couper le bois et ainsi de suite. Si elle ne peut pas voir son homme (ou tout homme) d'une façon E, alors une telle considération, respect, adoration, peut-être abandon, se rendre à lui, avoir un peu peur de lui, essayer de lui plaire, l'aimer, tout ceci devient en principe impossible. Elle peut avoir un bon accord avec lui, mais à un niveau profond, elle sera privée de quelque chose. Si elle ne peut pas percevoir chez lui les E-qualités masculines, ultimes, éternelles, soit parce qu'il ne les possède pas, soit parce qu'elle est incapable de percevoir de façon E (les deux peuvent se produire) alors, elle n'a effectivement pas d'homme. Elle peut avoir un garçon, une fille, un enfant, une sorte de neutre, d'hermaphrodite, mais elle n'a pas d'homme en son sens plein. Elle doit donc être profondément malheureuse comme les toutes femmes sans homme. De la même façon, tout homme sans femme dans un sens E doit être profondément malheureux, réduit, manquant de quelque chose, privé d'une très élémentaire expérience, d'une richesse élémentaire de la vie.

    Si la femme (comme les prostituées et les call-girls sur lesquelles les psychanalystes ont si souvent écrit) qui ne peut avoir envers les hommes qu'une attitude D (du fait des défauts dans ses propres relations avec son père), alors cette femme n'a que de piètres prospects en matière de bonheur. De la même façon, l'homme D qui ne voit les femmes que d'une façon D ne peut espérer qu'une demi-vie. La femme D ou la femme qui ne peut voir les hommes que d'une manière D ne peut avoir d'autre relation avec les hommes que celle consistant à les exploiter, et ceci ne pourra que s'ajouter aux conséquences attendues d'inimitié et de haine entre les sexes.

    Si la femme ne peut voir son homme que comme un homme E, alors elle non plus de peut dormir avec lui, ou tout du moins ne peut pas avoir avec lui de plaisir sexuel, car cela serait comme de coucher avec son propre père, ou avec Dieu, etc.. Il doit être suffisamment terrestre de façon qu'elle ne soit pas impressionnée par lui. Il doit d'une certaine façon pouvoir faire partie du foyer, faisant partie du monde réel, et non une figure angélique, éclairée qui n'aura jamais d'érection ou d'élan sexuel etc.. Je peux aussi avancer qu'une femme qui est fortement portée à voir l'homme, son homme seulement d'une manière E est choquée chaque fois que cet homme se comporte d'une façon normale, naturelle, humaine, quotidienne, d'une manière D, c'est-à-dire s'il va aux toilettes, s'il montre ses défauts, s'il est imparfait. Comme elle a une propension à être horrifiée, choquée, désillusionnée et désappointée par ces comportements D, ceci veut dire qu'elle pourra jamais vivre avec aucun homme (n'importe quel homme la choquera ou la décevra, car aucun homme n'est uniquement un homme E).

    Le bon homme, le plus souhaitable que nous connaissions est une combinaison du E et du D. La même chose est vraie pour la bonne femme qui est une combinaison du E et du D. Elle doit être capable d'être une madone; elle doit être capable d'être maternelle; elle doit être capable d'être divine, elle doit être capable quelquefois d'inspirer le respect et la crainte chez l'homme, mais elle doit aussi descendre sur terre, et il doit être capable de la voir descendre sur terre sans être choqué. La vérité et qu'elle aussi va aux toilettes, et elle aussi transpire, à des maux de ventre, et grossit etc.. Elle est sur terre, et s'il a besoin de ne la avoir que dans les cieux, alors les ennuis sont inévitables.

    Il est vrai que toutes femmes, particulièrement pour l'œil aiguisé, pour l'homme sensible, l'homme plus esthétique, l'homme plus intelligent, l'homme plus sain, peuvent être vues d'une manière E, avec E-cognition quelle que soit son degré de saleté, ou de laideur, ou de bassesse, ou même si c'est une prostituée ou une psychopathe ou une meurtrière haineuse ou une sorcière. La vérité est qu'à certains moments, elle reviendra à son aspect divin, plus particulièrement lorsqu'elle satisfera ses fonctions biologiques que les hommes considèrent élémentairement féminines: soigner, allaiter, donner naissance, s'occuper des nouveau-nés, nettoyer des bébés, être belle, être sexuellement excitante, etc.. Il faudrait être un homme particulièrement diminué pour ne jamais pouvoir voir cela. (Un homme réduit au concret peut-il voir une femme d'une manière E?) L'homme qui n'est conscient que des caractéristiques D des femmes ne vit pas une vie unifiée, ne voit pas le paradis sur la terre, ne voit pas les caractéristiques éternelles qui existent tout autour de lui. Pour le dire brutalement, un tel homme est aveugle à certains aspects du monde réel.

    Ce genre d'analyse devrait aider les gens à voir généralement d'une façon plus unifiante ou E-cognitive. Non seulement les hommes devraient voir les aspects E des femmes, mais les femmes elles-mêmes devraient percevoir leurs aspects E, c'est-à-dire elles devraient à certains moments se sentir prêtresses, se sentir symboliques, lorsqu'elles allaitent, ou soignent le soldat blessé, ou cuisent le pain. Une fois que nous prenons pleinement conscience de cette nature duale des gens, nous devrions plus souvent voir une femme dresser la table et servir pour sa famille comme une sorte de rituel ou de cérémonie, comme une danse rituelle ou de cérémonial en un endroit religieux (rituel dans le sens strict dans lequel elle ne se contente pas de fourrer une côtelette de moutons dans sa bouche ou de remplir son estomac, mais elle re-joue d'une façon formelle, d'une façon symbolique d'une façon poétique la relation éternelle entre l'homme et la femme). C'est symboliquement presque comme si elle donnait à son mari le sein dont vient le lait et la nourriture et la vie. Cela peut-être vu ainsi, et elle peut prendre les proportions nobles d'une prêtresse dans une ancienne religion.

    Il devrait donc aussi être possible pour nous, avec cette sensibilité, de voir l'homme revenir chez lui avec son chèque de salaire comme un rituel ancien consistant à rapporter chez lui un animal qu'il a tué au cours d'une chasse et qu'il jette au sol d'un air noble pour sa femme et ses enfants et ses dépendants, cependant qu'ils regardent avec admiration parce qu'ils ne peuvent le faire alors qu'il le peut. Il est certainement vrai qu'il est plus difficile de voir l'homme sous cet aspect de chasseur et de pourvoyeur chez un homme qui est en fait un comptable dans un bureau avec 3000 autres comptables. Il reste qu'il peut-être vu ainsi et devrait l'être. Et de même pour la façon impressionnante dont il accepte de son plein gré la responsabilité d'avoir sa famille en charge; ceci aussi peut-être vu d'une façon E, comme un acte ancien et sacré. La bonne éducation peut en fait aider les femmes à réaliser les aspects basiques, symboliques, archaïques, cérémoniaux, de leur mari, et aussi faire que le mari se sente aussi une joie légèrement pieuse ou simple alors qu'il accomplit le rituel ancestral de pénétrer sexuellement sa femme, ou de recevoir de la nourriture de sa part, ou de la voir se dénuder librement face à lui, ou d'être frappé d'émerveillement et pieux et adorateur en entrant à l'hôpital ou elle vient de mettre un enfant au monde, ou peut-être même face à la cérémonie de menstruation. Payer une facture avec de l'argent qu'il a gagné, peut-être d'une façon ennuyeuse, c'est-à-dire en vendant des chaussures, est en fait une évolution biologique directe des hommes des cavernes et du soin qu'ils apportaient à leur famille.

    Plutôt que d'être une nuisance locale et temporelle, la menstruation peut-être vue comme un drame biologique qui a à voir avec le rythme biologique profond de la reproduction et de la vie et de la mort. Chaque menstruation représente après tout un bébé qui aurait pu être. Ceci peut-être vu strictement comme un mystère pour l'homme car c'est quelque chose dont il n'a pas l'expérience, quelque chose qu'il ne connaît pas, quelque chose qui est entièrement le secret de la femme. La menstruation a été appelée les pleurs de l'utérus déçu; ceci le place carrément dans le domaine E, et est en fait une cérémonie sacrée plutôt qu'un accident désagréable ou une "malédiction".

    Pour pratiquement tous les primitifs, ces questions que j'ai évoquées son vues d'une façon plus pieuse, sacrée, comme le décrit Eliade, c'est-à-dire comme des rituels, des cérémonies et des mystères. La cérémonie de puberté, à laquelle nous n'accordons pas de sens particulier, est extrêmement importante pour la plupart des cultures primitives. Lorsque la fille a pour la première fois ses menstruation et devient femme, c'est véritablement un grand événement et une grande cérémonie; et c'est vraiment, dans le sens profond et naturel et humain un grand moment religieux dans la vie non seulement de la fille, mais aussi de la tribu entière. Elle prend pied dans le royaume de ceux qui peuvent porter la vie, de ceux qui peuvent créer la vie; et ainsi pour la puberté chez le garçon, et ainsi pour les cérémonies de la mort, du grand âge, du mariage, des mystères des femmes, des mystères des hommes. Je pense qu'un examen des cultures primitives et pré-lettrées montreraient qu'elles traitent de la vie unitive mieux que nous ne le faisons, tout du moins en ce qui concerne la vie entre les sexes, et aussi entre les adultes et les enfants. Elles combinent le E et le D mieux que nous ne le faisons, comme l'a montré Eliade: il définit les cultures primitives comme différentes des cultures industrielles parce qu'elles ont conservé leur sens du sacré en ce qui concerne les choses biologiques élémentaires de la vie.

    Il faut nous souvenir, après tout, que tous ces événements sont en vérité des mystères. Même s'ils se produisent un million de fois, se sont toujours des mystères. Si nous perdons notre sens du mystérieux, du sublime, ou si nous perdons notre sens de l'immense, d'étonnement, si nous perdons notre sens de bonne fortune, alors nous avons perdu une capacité humaine très réelle et basique, et sommes donc diminués.

    Percevoir de cette façon peut aussi être une auto-thérapie puissante. Encore une fois, si il est vrai que toute femme, toute fille, tout garçon, tout enfant est en fait un E-objet mystérieux, merveilleux, cérémoniel et rituel. Pratiquement toute culture simple fait toute une histoire de la fonction de reproduction et de tout ce qui a trait. Bien entendu, leurs cérémonies concernant le placenta, le cordon ombilical, le sang menstruel et leurs différentes cérémonies de purification peuvent nous paraître ridicules et superstitieuses. Et pourtant, il reste qu'ils conservent l'ensemble du domaine mythologique (archaïque, politique, symbolique); par ces méthodes, ils gardent tout cela sacré. Même lorsque la femme est sévèrement désavantagée, par exemple par des huttes menstruelles -- ou toute femme en cours de menstruation doit se soustraire à tout contact humain pendant une semaine entière, et doit alors prendre des bains rituels, etc. -- peut-être même que cela représente certains avantages sur le fait de prendre tout cela pour acquis. Une telle femme doit penser que sa menstruation et son sang menstruel sont puissants et dangereux. Elle doit donc se considérer comme une personne puissante et capable d'être dangereuse. Elle compte, elle est importante. Je suppose que cela fait quelque chose pour son estime d'elle-même en tant que femme (je me souviens du dessin de James Thurber très drôle et pourtant très touchant, représentant sans légende une dame suivie de quatre charmants enfants rencontrant une chienne suivie de quatre chiots adorables. Les deux mères sont surprises se retournant et se regardant les yeux, avec sympathie, avec compréhension, avec un sentiment fraternel, comme deux sœurs).

    La même chose pourrait être vraie aussi de l'homme, si tous ces mystères était pris comme de vrais mystères, le fait qu'il puisse produire des érections et éjacule des spermatozoïdes, que ceux-ci vivrent, qu'ils nagent, que d'une certaine façon mystérieuse ils puissent pénétrer l'ovule et faire qu'un bébé grandisse, etc. etc.. Il y a de nombreux mythes dans lequel l'homme au cours de rapports sexuels avec sa femme est vu comme un fermier, un homme avec une charrue, ou comme un homme semant des graines, ou comme un homme mettant quelque chose en terre. Son éjaculation n'est alors par un débordement négligent de quelque chose; cela devient tout autant une cérémonie mystérieuse, inspirant le respect, produisant la piété que toute cérémonie hautement religieuse comme la messe, comme la danse du soleil, etc.. De la même façon, il pourrait être souhaitable d'enseigner à nos jeunes hommes à considérer leur pénis comme le font les adorateurs phalliques, comme des objets beaux et sacrés, comme inspirateurs de respect, comme mystérieux, comme grands et forts, possiblement dangereux et inquiétants, comme des miracles qui ne sont pas compris. Si nous pouvons enseigner cela à nos jeunes hommes, sans parler de nos jeunes femmes, alors chaque jeune homme sera porteur d'une chose sacrée, d'un sceptre, de quelque chose qui lui a été donné par la nature qu'aucune femme ne peut jamais avoir. Nous lui fournissons alors une estime de lui-même finale et irréductible qui est sienne simplement du fait d'être un homme, un homme avec un pénis et des testicules, qui devrait quelquefois emplir la femme de respect et l'emplir lui-même de respect. Cette E-attitude devrait aider à maintenir un sens du sacré à chaque fois qu'il y a une éjaculation, et devrait aider à penser à son orgasme de la même façon qu'y pensent les Tantristes ou d'autres sectes religieuses, c'est-à-dire comme une expérience unificatrice, un symbole, un miracle, comme une cérémonie religieuse.

    Toute femme qui est un tant soit peu sensible au philosophique doit à l'occasion être saisie de respect par les grands orages de sexualité qu'elle peut soulever chez son homme, et aussi par son pouvoir d'apaiser et de calmer ces orages. Ceci peut-être vu comme le pouvoir d'une déesse, et donc peut-être utilisé commune base de sa profonde estime biologique d'elle-même en tant que femme. Quelque chose de similaire peut être vrai pour l'estime de soi de l'homme, dans la mesure où il est capable de soulever et de calmer les orages sexuels de sa femme.

    De telles perceptions et consciences devraient pouvoir aider tout homme et toute femme à expérimenter le transcendant et l'unitif, aussi bien chez soi que ces autres. De cette façon, l'éternel devient visible dans et à travers le particulier, le symbolique et le platonique peuvent être expérimentés dans et à travers l'instance concrète, le sacré peut fusionner avec le profane, il est possible de transcender l'univers du temps et de l'espace tout en en faisant partie.

Table des Matières
Bibliographie